Opinion : vers un retour du cyclisme à deux vitesses ?

Opinion : vers un retour du cyclisme à deux vitesses ?

Si le spectacle était encore une fois au rendez-vous ce dimanche sur les routes de Paris-Roubaix, et qu'il serait assez malhonnête de dire qu'on s'est ennuyés devant notre téléviseur, la performance physique réalisée par les cadors du peloton laisse un petit goût amer dans la bouche de nombreux observateurs, qui s'étonnent de la moyenne horaire élevée, et pour lesquels l'argument du vent de dos, des progrès matériels ou dans l'approche de la compétition ne suffisent plus à justifier les performances physiques, de plus en plus étonnantes. Et si il n'est pas non plus question de crier au dopage, surtout sans éléments concrets, il est permis de douter, ou tout du moins de ne pas croire à ce que l'on voit sur la route.

Un Paris-Roubaix disputée à vitesse grand V

Quasiment 47 km/h de moyenne sur une distance de 250 bornes, un record de vitesse battu, une course qui n'a jamais baissé en intensité et les 3/4 du peloton éparpillés dans la pampa à 100 kilomètres de l'arrivée, voici le constat factuel de cette 120ème édition de Paris-Roubaix. De quoi assurer le spectacle, enivrer le public, mais pas certain qu'avec le recul, tout le monde adhère forcément.

Qui fait suite à des numéros exceptionnels et répétitifs

Si la performance était isolée, elle serait anecdotique, car on ne peut pas baser une impression sur une seule course. Mais le problème, c'est que depuis la reprise post-Covid à l'été 2020, une certaine partie du peloton n'en finit plus d'affoler les compteurs, de battre les records, et de martyriser le commun des mortels. Et si une partie des médias et des suiveurs encensent bien volontiers ce que l'on nomme de manière pratique des coureurs "hors normes", une autre elle doute de plus en plus, si bien que de plus en plus de témoignages de lassitude émergent en dehors du microcosme de Twitter.

Un milieu de plus en plus sceptique

Et les suiveurs ne sont pas les seuls à se poser des questions, car "micro coupé", une partie du milieu ne croit pas trop au spectacle qui est présenté, et entre refus d'utiliser les cétones sans certitude par rapport à la santé des athlètes, DS ou managers qui ne cachent plus "qu'on ne fait pas le même sport", ou évoquent les "avions qui volent en tête de course pendant que le reste tente de survivre", les mots sont de plus en plus forts. Les gestes de lassitude aussi, dans le feu de l'action, qui traduisent un certain dégoût par rapport à certaines performances, les petites phrases prononcées dans les médias face à certains numéros, l'impuissance aussi évoquée malgré des records de watts battus qui coïncident pourtant avec une baisse dans la hiérarchie. Bref, de plus en plus de facteurs d'indices qui amènent à penser qu'il y a un problème au sein du peloton. Reste désormais à connaître sa nature, et à tenter d'y remédier...

Le retour d'un cyclisme à deux vitesses

C'est finalement le seul constat qui ne laisse place à aucun doute, le cyclisme à plusieurs vitesses est bel et bien de retour depuis quelques années. Et si il appartient à chacun d'en trouver l'explication, il est difficile de considérer que tout le monde lutte à armes égales au sein du peloton, tant les différences de niveau semblent impressionnantes entre les "cadors" et le reste du monde.

Est-ce que cela s'explique par la différence de moyens financiers, d'un manque de professionnalisme de la part de certains, d'une réticence à utiliser des produits légaux comme les cétones sans être assurés que la prise de cette substance ne nuise pas à la santé des coureurs, de pratiques d'une autre époque, d'un mélange de tout cela ?

Difficile de trancher ou d'avoir un avis définitif sur la question, mais en tout cas une chose est certaine, les langues se délient de plus en plus en privé, et il serait plutôt naïf de considérer que l'omerta qui régnait il y a une vingtaine d'années est encore assez forte pour étouffer les hypothétiques errements des uns et des autres...

Par Charles Marsault

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