Edito : pourquoi le concept de déclin du cyclisme italien est exagéré

Edito : pourquoi le concept de déclin du cyclisme italien est exagéré

Utilisé à toutes les sauces depuis de nombreuses années, par des suiveurs autant que certains médias, le concept de déclin du cyclisme italien est souvent exagéré. Et en ce jour du départ du Tour d'Italie, c'est l'occasion de rappeler quelques faits, qui montrent que même si tout ne va pas pour le mieux et dans le meilleur des mondes chez nos voisins et amis transalpins, le constat est loin d'être aussi alarmant qu'on voudrait le faire croire.

Une structure pyramidale plutôt solide

Christian Prudhomme le rappelle souvent à raison, le maintien d'une structure pyramidale saine et solide est vital lorsque l'on évoque la bonne santé ou non du cyclisme dans un pays. Et si il est vrai qu'en Italie il n'y a pas de structure World-Tour, le reste est plutôt bien loti. Avec 3 formations Pro Team, et pas moins de 14 équipes Conti (le total le plus élevé dans cette division), nos voisins s'en sortent en effet très bien, d'autant plus que comme en France, de nombreuses clubs amateurs, espoirs et juniors sont également présents. Largement suffisant pour capter et former les talents, d'autant plus que l'Italie a la chance d'avoir un calendrier de courses très fourni, et ce des pros aux juniors, en passant par la catégorie amateurs.

Qui permet aux talents de percer facilement

Et c'est cet ensemble qui permet d'être optimiste, car il fait notamment fonctionner à plein tube l'ascenseur vers le monde professionnel pour les jeunes italiens, et pas moins de 16 d'entre eux sont passés pros cette année en 1ère et 2ème division, dont le champion du monde U23 Filippo Baroncini.

Des jeunes qui performent toujours sur la scène internationale

C'est factuellement un autre élément rassurant pour l'Italie, qui continue depuis quelques années à voir ses jeunes performer sur la scène internationale. En effet, les deux derniers champions du monde U23 sont italiens (Baroncini et Battistella), alors que côté juniors, Tiberi s'est lui imposé sur le chrono des mondiaux en 2019. Et si l'on rajoute à cela les titres européens chez les jeunes de Piccolo, Gazzoli, Dainese et Affini lors de ces 5 dernières années, on s'aperçoit que la source est bien loin d'être tarie, et que le réservoir est encore là.

Malgré une internationalisation qui change la donne

Alors l'Italie est elle toujours aussi performante que dans les années 90 ou 2 000 ? Non, bien évidement, et ce constat concerne logiquement toutes les grandes nations sauf la France, et ce pour les raisons que l'on connaît tous suite à l'affaire Festina. Le cyclisme a changé et s'est internationalisé, et c'est plutôt une bonne nouvelle de voir arriver sur le devant de la scène des coureurs slovènes, australiens, colombiens, équatoriens ou érythréens, car cela montre l'intérêt grandissant pour notre sport sur la planète, tout en réduisant logiquement la part du gâteau pour les nations historiques. En effet, là où il y a une ou deux décennies, il s'agissait pour schématiser grossièrement de se battre contre les meilleurs coureurs de 3 ou 4 pays, il faut désormais lutter face à une adversité beaucoup plus coriace et internationale, ce qui induit qu'être le meilleur français, italien ou espagnol n'équivaut plus du tout automatiquement à être l'un des meilleurs coureurs du monde, car il y a 20 ou 30 ans, Pogacar, Roglic, Carapaz, Bernal, Vingegaard, Ghirmay ou autres ne seraient certainement pas passés pro.

Et des cycles logiquement de plus en plus longs

C'est pour cela que les cycles de domination sont logiquement de plus en plus longs, car l'alternance ne se fait plus entre 3 ou 4 pays comme je l'évoquais précédemment, et les creux générationnels sont forcément beaucoup plus visibles comme c'est le cas actuellement pour l'Italie, qui a un vrai souci entre Nibali et la jeune génération qui arrive, et ce même si Aru a remporté une Vuelta et Colbrelli Paris-Roubaix (rappelons qu'aucun français n'a gagné de Grand Tour depuis 1995 et que le dernier vainqueur tricolore sur le vélodrome de Roubaix est Fred Guesdon en 1997). Comme l'Espagne post Contador, Rodriguez and cie, ou la Belgique d'après Boonen, l'Italie s'apprête donc à vivre quelques années compliquées, mais cela reste une affaire de cycle selon moi, on le voit par ailleurs avec l'exemple de l'Espagne, qui a survécu grâce à Valverde, et après des années compliqués, mais aussi une grosse crise économique, voit une belle génération arriver avec les Ayuso et Rodriguez notamment. La France risque d'ailleurs de subir de plein fouet ce creux une fois que la génération dorée des Démare, Pinot, Bardet, Alaphilippe aura raccroché, et ce en attendant qu'un ou plusieurs Romain Grégoire n'arrivent à maturité, et le jour où le creux de la vague apparaîtra, il faudra aussi à mon avis parler de cycle, plutôt que d'embrayer sur un déclin du cyclisme français.

Par Charles Marsault

Rejoignez-nous