Edito, pourquoi l'équipe Zaaf n'aurait jamais du voir le jour ?

Edito, pourquoi l'équipe Zaaf n'aurait jamais du voir le jour ?

Pourquoi, ou plutôt comment, l'équipe Zaaf a pu voir sa licence validée, que ce soit par la RFEC, ou bien encore l'UCI, au vu des nombreux signaux d'alerte émis par les différents acteurs du milieu cycliste espagnol, tout sauf dupes par rapport à l'historique de l'équipe, et qui ont eu la bonne idée de tenter d'avertir, que tout allait droit dans le mur. Car c'est le point central, cette chute inévitable qui aurait du être évitée tant elle était prévisible.

De nombreuses alertes lancées avant 2023

Lors de nos différentes investigations sur le fonctionnement de la structure, nous avons pu nous apercevoir que les "lanceurs d'alerte" étaient assez nombreux en Espagne par rapport à l'équipe Zaaf. Et si il est forcément plus facile de cataloguer ces personnes dans la catégorie "jaloux, aigris" ou d'autres termes sympathiques, la réalité est bien différente, et toutes ces sources qui ont été à un moment liées directement à l'équipe racontent la même histoire, celle de nombreux abus en tout genre, d'intimidations, voir de menaces qui font assez froid dans le dos.

Malgré cela, et malgré la peur qui semblait exister chez la plupart de nos sources (l'une d'entre elles évoquait même la menace de se faire "péter les genoux" si elle parlait trop), celles-ci ont tenu bon, et ont déroulé, sous un couvert d'anonymat bien compréhensible, une situation humainement catastrophique. Pire encore, elles nous ont indiqué avoir prévenu de nombreux acteurs du milieu, sans qu'à aucun moment un quelconque signal d'alarme ne soit tiré, et si notre confrère Raul Banqueri (lui aussi intimidé via message privé) n'avait pas commencé à mettre son nez dans le sujet, on en serait peut-être toujours au même point.

Ne pas laisser durer l'agonie

Même si certains ont parfois du mal à comprendre qu'on puisse vouloir stopper une équipe, il est très important de ne pas laisser durer l'agonie, et de stopper au plus vite cette formation, qui continue pour l'instant d'agir comme si de rien n'était, et ce en toute impunité.

Ne pas laisser durer l'agonie car l'issue est connue de tous, l'équipe Zaaf va disparaître et la seule question qui se pose est celle du timing, ne pas laisser durer l'agonie car permettre à l'équipe de poursuivre, c'est quelque part valider le fait qu'on puisse en toute impunité ne pas payer des athlètes tout en continuant à parader sur les différentes épreuves du calendrier, avec à la clé, une belle exposition médiatique.

Et même si il ne s'agit pas d'être naïf, car tout le monde sait qu'en Conti, ne pas être payé est plus ou moins une norme malheureusement, la situation ici est différente, puisque l'on se retrouve dans justement dans un cas où cette absence de paiement n'était pas connue, et le choix de rejoindre l'effectif n'était donc en aucun cas lié à ce facteur de bénévolat. Par conséquent, les coureuses qui ont rejoint l'effectif comptaient sur cet argent pour vivre tout simplement, et payer le coût du quotidien, alors que dans certains cas de figure, celles et ceux qui acceptent de rejoindre une petite Conti savent à peu près où ils mettent les pieds.

Rappelons également que l'on partait sur un budget de départ de pas moins de 4 millions d'euros, et non pas sur une équipe faite de bric et de broc, et où les salaires ne sont pas versés. Rappelons que non seulement les coureuses n'ont pas reçu ce qui leur est du dans son intégralité, mais aussi qu'elles ont du avancer différents frais, comme le relate très bien l'article de Cycling Escape, publié mardi.

Gardons également en mémoire l'épisode de B&B Hôtels, où les différents délais accordés à l'équipe n'ont jamais permis d'améliorer les choses, et qu'il aurait été bien plus simple pour tout le monde que les instances mettent rapidement un "stop" à toute cette mascarade. Ne pas trancher au moment où il le faut, consiste toujours à permettre aux plus forts de profiter des plus faibles, aux dominants de conserver leur ascendant sur les dominés, ni plus, ni moins.

Éviter que ces cas de figure ne s'accumulent

Même si le doute est malheureusement plus que de mise au vu des différentes alertes que nous avons reçu ces dernières semaines concernant des structures de l'Elite, c'est finalement le plus important pour les athlètes, que ce soit chez les femmes ou chez les hommes, éviter que ce genre de cas de figure ne se reproduise à l'avenir. Car le cas de Zaaf, doit servir d'exemple pour la suite, où tout doit être mis en place en terme de vérifications pour s'assurer d'une part de la solidité financière des équipes, et de l'autre de la non-toxicité des personnes à l'origine des projets.

Pour le dire clairement, il y a beaucoup trop de personnes "bien connues" qui traînent encore dans le milieu, et reviennent de manière cyclique à la charge pour monter leur équipe, avec bien souvent, la même issue finale. Et même si la division continentale peut représenter une belle "poule aux œufs d'or" pour les instances, il devient urgent de réduire drastiquement la voilure, non pas pour limiter les bonnes volontés, mais pour protéger les athlètes, à qui on vend bien trop souvent l'opportunité d'une carrière pro qui n'en est pas une. Un doux rêve souvent malheureusement également assorti d'un passage à la caisse, car si le procédé est interdit, personne n'est vraiment dupe, et il n'est pas rare de financer indirectement son contrat en 3ème division à hauteur de 10 000, 20 000, ou même dans certains cas 50 000 euros.

D'autre part, et comme certains managers d'équipes le rappellent, ces "équipes tempête" prennent bien trop régulièrement la place de celles qui font le taf, en Europe ou ailleurs, et qui se retrouvent souvent prises au piège du système mis en place et privés d'invitations, au profit d'équipes moins bonnes, mais qui sont souvent affiliées d'une manière ou d'une autre à une fédération ou une organisation, ce qui est par ailleurs censé être interdit sur le papier, mais bien loin de la réalité du terrain.

Par Charles Marsault

Rejoignez-nous