Des nouvelles de...Pierre Cazaux

Des nouvelles de...Pierre Cazaux

Pierre Cazaux, « On the road again »

A l'heure où Euskaltel signe son grand retour dans le peloton, retour sur le destin d'un coureur de l'ombre qui a participé il y a une dizaine d'années à l'épopée des maillots oranges

C’est l’histoire d'un équipier modèle, sacrifié sans préavis pour quelques points UCI en 2012, par un bateau Euskaltel alors en train de couler. Quelqu’un de trop gentil peut-être pour ce milieu, passé en quelques mois du World Tour au marteau piqueur. Pierre Cazaux, un type à qui la route colle à la peau, même si c’est désormais au volant d’un bus.

Si vous prenez un jour le bus de l'agglomération bayonnaise et que vous êtes branché vélo, regardez-bien le chauffeur, on ne sait jamais. Vous reconnaîtrez peut-être alors Pierre Cazaux, ancien coureur, entre autres, de l'équipe Euskaltel, version derniers feux de la rampe avant extinction, au début des années 2010.

L’histoire commence à Salies de Béarn, dans la ferme familiale. Aller voir mamie ou chercher une baguette, tous les prétextes sont bons pour monter à vélo. Et dans la famille, le vélo on en connaît un bout. Un papa qui tâte du cyclo-cross, des cousins courant dans le coin le week-end et la télé toujours allumée pendant le Tour. Première licence en minime.

Chez les Cazaux on est pas du genre fainéant. Alors pour le jeune Pierre ce sera vélo-boulot-dodo, jusqu’à se faire une place en Elite. Jusqu’à ce que le père Guimard décroche son téléphone. Deux ans chez Roubaix en 2008-2009 pour faire ses classes et de la reconnaissance pour le druide. "Un monsieur du vélo". Puis c’est Madiot qui l’appelle, « difficile de refuser ». La confiance du staff, une belle amitié avec Thibaut Pinot et une cinquième place aux lacs de Covandoga lors de la Vuelta, l’année 2010 est plutôt bonne, l'horizon dégagé.

En juillet tombe la proposition qui prend aux tripes. Deux ans chez Euskaltel, l’équipe « nationale » du Pays Basque (d’accord il est béarnais mais a été formé à l’Aviron Bayonnais, l’honneur est sauf). Deux années où Pierre Cazaux gagne le respect de ses leaders et de l’encadrement. « On était vraiment une famille » se souvient-il encore avec émotion. Sur les routes du Giro ou de la Vuelta, il fait partie de ces infatigables travailleur de l’ombre et devient un des piliers de la maison orange. En 2012, tombé amoureux du Tour d’Italie, il préfère y accompagner son leader et ami Mikel Nieve, que de découvrir le Tour de France. «Je pensais que j’avais encore le temps pour ça ».

Petit-déj’ amer

Du temps il n’en aura pas vraiment. En 2012 les nuages commencent à arriver au dessus de l’équipe, mais il reste confiant. « Je n’ai jamais eu une remarque négative en deux ans, j’étais persuadé d’avoir un contrat à la fin de la saison ». Et il s’accroche à la parole donnée au cœur de l’été par son manager, Igor Gonzalez de Galdeano. « Hitza hitz », la parole est sacrée, comme on dit en basque. D’autres sont pourtant moins rassurés, comme Thierry Elissalde, pionnier de l’équipe basque dans les années 90 et son mentor chez les jeunes à Bayonne : « je lui ai dis de commencer à se méfier à la fin de l'été » . Un matin d’octobre, entre deux biscottes, Pierre Cazaux découvre dans la presse qu’il ne sera pas conservé au sein de l'équipe. La grande classe. Le manager répondra aux abonnés absents. «J’attends toujours son coup de téléphone ».

C’est alors la panique, partout ou presque les budgets sont déjà bouclés. Pierre Cazaux décroche à la hâte son téléphone et appelle à la rescousse son ami Thibaut Pinot. Ce dernier contact aussitôt Marc Madiot, mais là aussi trop tard, effectif complet. Pierre Cazaux s’en veut d’avoir fait confiance et fermé des portes. «Plus tôt j’avais été contacté par la FDJ et Cofidis ». « Tout s’effondre, je n’avais que 28 ans, je n’étais pas préparé à ça ! ».

Il y aura bien une tentative de retour, via les amateurs et le GS Blagnac en 2013, mais le ressort est cassé. Ironie de l’histoire, Igor Gonzalez de Galdeano qui était allait piocher des coureurs inconnus aux quatre coins de l’Europe, afin de glaner quelques points UCI, n’a pu éviter le naufrage. Fin 2013, le sponsor Euskaltel se retire. Rideau.

Pour Pierre Cazaux, direction Pôle Emploi. Le saut dans l’inconnu. Une formation de plombier, trouvé un un peu par hasard, 18 kilos en plus, et l’ancien pro se retrouve manœuvre sur des chantiers durant un an. « Content de connaître autre chose que le monde du vélo » dont il sort un peu dégoûté. Un jour un chef de chantier le reconnaît, l’interpelle, « qu’est-ce que tu fous là ? ». Peu à peu c’est la prise de conscience et la peur de finir sa vie au marteau piqueur.

L’appel du bitume

Pour le néo-plombier c’est déjà l’heure du bilan. «Je me suis rendu compte de mes erreurs. Quand je suis redescendu amateur, j’ai refusé une offre de Roubaix, ma première équipe chez les pros car j’étais un peu écœuré du milieu. Au fond de moi je regrettais maintenant ce qui était quand même un peu une vie de rêve ». Alors l’envie d’intégrer un staff fait son chemin, histoire de rester un peu dans le milieu. Le bonhomme s’éclate au volant. « Petit déjà, j’adorais conduire le tracteur, puis chez les pros j’ai toujours été attiré par les bus ». Alors en 2016 retour à la case FDJ, comme chauffeur cette fois.

Mais après une saison à parcourir les routes, le conducteur sature un peu. « J’ai eu envie de profiter de ma famille, de me poser ». Plutôt que de sillonner les routes routes de France et d’Europe, Pierre Cazaux choisit la proximité. Son quotidien, ce sera désormais au volant d’un bus à Bayonne, à deux pas de chez lui. « Il m’est arrivé qu’on me reconnaisse. En général on me demande toujours la même chose, si j’ai fait le Tour de France et si je me suis dopé, mais ça me passe au dessus ». Les clichés ont la vie dure, tous les anciens coureurs le savent.

Par Ximun Larre (photo : Laurie Beylier)

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