Récit : le Tour du Rwanda d'Adrien Guillonnet, 3ème partie : la fin de course

Récit : le Tour du Rwanda d'Adrien Guillonnet, 3ème partie : la fin de course

5e étape : Karongi - Musanze – 147km – 2500m d+

Cette étape permet de relier le lac Kivu à la région des volcans. Pour cela, la course emprunte dans le sens inverse la quasi-totalité de l’étape de la veille, à laquelle il faut ajouter la grande partie descendante du final de l’avant-veille mais empruntée dans le sens montant cette fois. Puis une longue partie inédite en faux-plat descendant qui amène jusqu’à l’arrivée. Autant dire une étape qui s’annonce bien escarpée encore.

Le départ s’effectue en montée, ce qui me permet d’intégrer de manière assez limpide l’échappée d’une bonne dizaine de coureurs. La suite est un peu moins limpide que la veille pour moi, dans l’échappée Joseph Areruya semble en bonne forme en ce début d’étape, comme la plupart des Africains qui constituent l’essentiel de l’échappée aujourd’hui. De mon côté je ne semble pas avoir la même forme que la veille, et je subis plus qu’autre chose. De plus le peloton emmené par Direct Energie et Astana ne semble pas vouloir nous laisser partir dans la première partie d’étape, si bien que même si j’ai l’impression que nous ne pouvons pas rouler plus fort, l’écart reste compris entre une et deux minutes. Je dois en plus disputer les GPM à Moise Mugisha encore présent devant (comme la veille) et qui arrive à me devancer à chaque fois.
Finalement le peloton ralentit un peu l’allure et nous arrivons au pied de la dernière montée avec trois bonnes minutes. Vu à la vitesse à laquelle nous étions descendus deux jours avant, je m’attendais à ce que la montée soit compliquée. Mais en fait elle est globalement assez roulante. Je tente quand même une attaque dans une partie plus raide pour écrémer un peu le groupe, en vain. Au sommet j’expérimente une autre tactique pour devancer Mugisha : le surprendre en partant de loin. Le sprint est long, trop long car la ligne est cinq mètres trop loin pour que cette tactique soit payante. L’écart avec le peloton n’a pas beaucoup diminué, nous pouvons donc toujours imaginer jouer la victoire d’étape.

Le final est donc un long faux-plat descendant, vent de face. La foule est nombreuse et enthousiaste, ce qui ne me rassure pas toujours. Mais cela a peut-être donné des ailes à Moise Mugisha que je n’ai jamais vu de la course prendre de tels relais appuyés et longs. En tout cas le final n’est pas propice aux attaques et les Africains présents semblent avoir pour la plupart une bonne giclette leur permettant de sauter sur la moindre attaque. De mon côté je ne trouve pas vraiment l’ouverture pour tenter une attaque, et je n’arrive pas à faire mieux qu’une septième place face à des coureurs plus rapides. Mais cette étape me permet de porter le maillot du plus combatif et de ramener à ma famille une bonne quantité de thé rwandais. 

Même s’il n’y a toujours pas de victoire à fêter, nous n’avons pas le temps d’aller observer les volcans ni les gorilles de la région qui font la réputation du pays.

Des volcans

6e étape : Musanze - Nyamata – 120km – 1600m d+

Un itinéraire un petit peu moins escarpé pour renouer avec la région de Kigali. Une montée ni très pentue ni très roulante au début, une autre similaire avant de plonger rapidement sur Kigali et de terminer l’étape au sud de la capitale avec des reliefs bien moins prononcés. La course débute rapidement, aucun coureur ne parvient à prendre le large sur le plat ou la première montée. Je comprends rapidement que je ne suis pas dans une bonne journée, je n’ai pas forcément mal aux jambes mais je n’ai pas de punch, je suis vite limité, un peu fatigué par les étapes précédentes probablement et logiquement. J’arrive à grappiller vraiment à l’arraché quelques petits points au sommet, mais de toute manière Moise Mugisha a encore accentué son avance en passant sans problème devant. L’échappée parvient à partir après la descente un peu sinueuse et mouillée par une récente averse sur le bas. Je n’en fais pas partie et c’est mieux comme ça pour passer une journée plus tranquille avant un dernier weekend exigeant. L’équipe est nouvelle fois représentée devant par Pablo Torres. Malheureusement il est une nouvelle fois deuxième, devancé par Kasperkiewicz auteur d’un gros numéro dans le final et que j’ai trouvé assez puissant sur cette course. Pablo hérite à son tour du maillot du plus combatif.

Nous logeons dans l’hôtel le plus luxueux de notre séjour. Non pas que nous avions à nous plaindre des autres hôtels, mais celui-ci ressemblait à un hôtel occidental assez luxueux. Du coup j’ai craqué pour quelques crudités. J’ai pu manger du vrai et bon pain. J’ai aussi pu découvrir que non seulement on trouve du fromage rwandais, mais qu’en plus il est bon.

 

7e étape : Nyamata - Kigali – 84km – 1500m d+

Les forces reprises dans les repas de l’hôtel ne sont pas de trop pour débuter le bouquet final de la course disputé dans la capitale. Etapes courtes, mais dynamiques. La première partie de cette avant-dernière étape fait encore une fois le chemin inverse de l’étape de la veille jusqu’à Kigali. Il n’y a pas beaucoup de routes au Rwanda, encore moins des routes bitumées (mais quand elles le sont, elles sont belles et bien faites), donc j’imagine que ce n’est pas évident de tracer un parcours ayant du sens sportivement et permettant de relier des villes avec des hôtels ayant une qualité minimale. De plus c’est confortable et un gain de temps de ne pas avoir de transfert avant et après les étapes.

Le départ est plutôt plat et l’échappée se dessine très rapidement, sans trop forcer ni lutter. Je me retrouve dedans comme une bonne douzaine de coureurs dont Moise Mugsha. Cela tombe bien, de nombreux GPM sont à disputer sur cette étape. Le premier, le plus facile, arrive rapidement. Je décide de retenter la tactique de la surprise en lançant de loin. Mais je m’emballe un peu et je lance d’un peu trop loin, ce qui en plus de faire un effort un peu trop violent permet à Mugisha de revenir sur moi et de me devancer encore. Cinq minutes après nous attaquons un premier secteur pavé, en faux-plat montant, le sprint précédent que je regrette se fait sentir dans mes jambes.
L’organisation n’est pas au summum dans ce groupe un peu trop nombreux. Pourtant un Erythréen et un Espagnol de Novo Nordisk sont très bien placés au général (Sirak Tesfom et David Lozano) et possèdent chacun un équipier, on pourrait penser qu’ils aient tout intérêt à organiser l’échappée et favoriser un bon rythme, mais ce n’est pas le cas. D’autres reprennent leurs bonnes habitudes d’en faire le moins possible. Et moi j’ai pour consigne de faire comme eux à cause des deux coureurs placés au général qui menacent la place d’Hernan Aguirre. Mais malgré tout cela, l’écart grimpe à quatre minutes (je ne le saurai qu’après la course). Très vite trois coureurs prennent le large, dont le coéquipier Erythréen de Tesfom, Yakob Debesay. C’est la mésentente totale dans notre groupe, heureusement les montées de la seconde partie d’étape arrivent et permettent de relancer l’allure et de réorganiser la course. La première de ces montées est sûrement la plus dure de la journée : 3km à 6%, avec une première partie bitumée pentue, un replat pas si plat, et un dernier kilomètre pentu, pavé et rendu humide par la pluie. Tout explose, on enchaine ensuite avec quelques petits kilomètres sinueux et escarpés qui amènent à la montée d’arrivée et un premier passage sur la ligne. Les organisateurs ont déniché un autre petit passage pavé en haut de la montée, juste avant la ligne, plus symbolique que difficile celui-ci. Le demi-tour après l’arrivée permet de faire un point sur la course.

En tête, il n’y a plus que Debesay. Vient ensuite à une minute mon groupe, puis une bonne vingtaine de coureurs composant le peloton encore deux minutes derrière. Le problème c’est qu’une nouvelle fois pas grand monde ne veut rouler dans mon groupe. Tesfom a son coéquipier devant. Lozano ne veut toujours pas rouler malgré sa place au général. Moise Mugisha est fidèle à lui-même. Et moi je suis toujours censé ne pas trop en faire à cause des deux coureurs placés. L’écart n’étant quand même pas très élevé sur le peloton, les deux hommes sont donc de moins en moins menaçants pour Hernan, j’essaye d’organiser le groupe pour qu’Aurélien Doléatto et Kasperkiewicz ne soient pas les seuls à faire avancer ce contre. Mais je ne suis pas au bout de mes surprises.

Lors des dernières montées de cette fin d’étape, Mugisha tente des attaques, comme d’autres, en vain. Mais il me laisse passer en tête du groupe les trois GPM, et ne marque même aucun point. Même si je ne comprends pas son attitude, j’en profite et cela me permet de me rapprocher de lui au classement du meilleur grimpeur avant la dernière étape décisive qui distribue un nombre important de points.

Suite à son grand numéro et à notre mésentente, nous ne parvenons pas à revenir sur Debesay. Mais alors que nous sommes dans la montée finale, j’ai aussi la surprise de voir revenir ce qu’il reste du peloton sur nous. Je les vois passer bien plus vite, je me dis alors que c’est foutu pour faire une place intéressante à l’étape. Mais en fait je me dis et me rends compte qu’ils sont à fond depuis le pied de la montée, voire même avant, alors que moi j’ai essayé de gérer un peu cette montée finale. Je profite d’une petite baisse de rythme peu après qu’ils nous aient repris pour relancer dans les dernières parties pentues avant le secteur pavé. Tesfom me suit et me dépasse, je vois ensuite que Fedeli revient sur le passage pavé. On vire une première fois pour terminer le secteur pavé sur cinquante mètres raides. Je passe en tête avant de virer à nouveau sur le bitume à cent mètres de la ligne. A la relance Fedeli me passe et je le vois lever les bras. Revenu de derrière il ne savait pas que le coureur Erythréen était devant. Bien que ce soit dommage de m’être fait passer dans les derniers mètres, le bilan est donc bon après cette étape une nouvelle fois mouvementée : une troisième place et des points pour le maillot de meilleur grimpeur, Hernan termine cinquième et reprend des secondes à Kudus et Taaramae.

8e étape : Kigali - Kigali – 61km – 1100m d+

C’est peu banal d’avoir une étape si courte sur une course UCI, mais ce n’est sûrement pas la moins exigeante avec quatre passages d’une longue montée irrégulière au sommet de laquelle est jugée l’arrivée, et trois passages du désormais emblématique Wall of Kigali avec ses 400 mètres à 12% en pavés. Au départ, nous avons beaucoup d’ambitions avec l’équipe. Jouer le classement général et la victoire d’étape avec Hernan, le classement du meilleur grimpeur avec Pablo ou moi, le prix du plus combatif sur l’ensemble de la course pour Pablo et moi (maillot que je porte une nouvelle fois au départ de cette dernière étape, mais par procuration cette fois) et conserver la deuxième place au classement par équipe. Évidemment sur une autre course qu’au Tour du Rwanda, jouer sur tous les tableaux serait l’échec quasi assuré, on ne peut pas courir après tous les lièvres chaque jour. Mais finalement sur cette course et dans ces circonstances, tout est plus ou moins lié.
Le départ donné, je reste donc vigilant pour ne pas louper une échappée qui partirait sur les quelques kilomètres avant de rentrer sur le circuit. Je me glisse, tout comme Moise Mugisha, dans un coup qui part donne une petite bosse. On roule fort mais Astana ne laisse pas partir, nous sommes repris. Nous arrivons vite sur la première montée du jour, et je sens bien que ce premier effort a laissé des traces. J’arrache un petit point au GPM, mais les autres prétendants sont bien plus fringants que moi. Je comprends que la tâche s’annonce très compliquée. D’autant plus que ce nouvel effort me pèse, et je paye un peu l’addition dans le mur de Kigali en prenant une cassure. Je parviens à rentrer, mais je ne peux pas faire plus. Une petite échappée arrive à partir, avec Contreras qui dépose tout le monde. Mais j’avoue que je n’ai pas vraiment vu à ce moment-là, je suis plutôt en train de subir sur ce circuit où les montées s’enchainent.
J’arrive à remonter dans la montée de la cloche du dernier tour, j’imprime un rythme élevé pour préparer une attaque de Pablo et Hernan. Ce qu’ils font de manière assez impressionnante, mais sans parvenir à lâcher les autres leaders du classement général. Comme à chaque passage du mur de Kigali, je bascule à l’arraché et je parviens à raccrocher le bon wagon peu après. Je me prépare à refaire la même chose qu’au tour précédent pour la dernière montée, mais finalement Direct Energie s’en charge très bien à ma place. Par conséquent je reste avec Hernan, attendant le moment où ça va encore accélérer et que je ne pourrai plus suivre. Ça accélère un peu dans la partie la plus raide, mais j’arrive finalement à m’accrocher avant de reprendre le très long faux-plat montant qui mène à l’arrivée. Nous ne sommes plus beaucoup, il n’y a presque que les gars du classement général, j’essaye d’y aller sur « l’élan » lors d’un moment de temporisation, mais ça ne fonctionne pas. Finalement cela se joue au sprint, je pense finit cinquième de l’étape, mais je ne savais pas que Contreras avait fait cavalier seul devant.
Je n’ai donc pas pu aller chercher le maillot de meilleur grimpeur, Moise Mugisha non plus, finalement devancé par Debesay qui a amassé énormément de points en deux jours. Par conséquent il a hérité du maillot du plus « combatif ». Finalement mon bilan de l’étape reste correct avec cette place inattendue et donc d’autant plus satisfaisante. Hernan n’a finalement pas pu renverser le classement général, cette étape est difficile, intense, spectaculaire, mais elle ne permet peut-être pas de faire des écarts entre des coureurs d’un niveau similaire. En tout cas pas cette fois.

Donc globalement le bilan personnel et collectif est bon, même si nous ne passons pas loin de la victoire à plusieurs reprises. Mon échec sur l’étape reine était décevant sur le moment, mais c’était un mal pour un bien, car cela m’a permis d’aller de l’avant et de terminer à l’avant sur les autres étapes, ce qui est également toujours plus plaisant que d’être dans la tension d’un classement général au sein du peloton. Après j’ai bien conscience que cette course est particulière, avec des équipes de cinq ou quatre coureurs, un profil exigeant, des étapes courtes, une manière de courir débridée, mais c’est bien de répondre présent lorsque de telles opportunités se présentent.

Je pense que tout le monde était assez unanime pour dire que si le Rwanda obtient l’organisation des championnats du monde dans quelques années, il y a de quoi proposer un beau, complexe et diversifié parcours. D’autant plus que le Rwanda offre de belles capacités d’accueil, d’hébergement et d’organisation. Tous ceux ayant déjà été dans d’autres pays africains, dans le cadre de course de vélo notamment, m’ont dit que le Rwanda ne ressemble pas aux autres pays d’Afrique. Ce sont visiblement un pays et une course bien plus développés et donc accueillants pour des personnes habituées au confort occidental.

Nous ne sommes repartis que deux jours après du Rwanda. Nous avons donc eu l’occasion de rouler à nouveau à Kigali et ses environs. C’est quand même plus agréable en course, car le trafic est assez important et les routes peu nombreuses pour diversifier les sorties. J’avais ainsi tracé un circuit qui me semblait intéressant avec de nouvelles routes, mais après vérifications ces routes étaient des chemins de terre. Bien que ces chemins soient à la mode, j’ai donc opté pour rester dans les gaz d’échappements de la ville, même si ce n’est pas très agréable.

Une ruelle de Kigali

Nous en avons aussi profité pour visiter le grand marché couvert de Kimironko, aux allées étroites et sombres. Visite sympathique pour voir l’ambiance, les différents commerces et ramener quelques souvenirs. Mais surtout, nous sommes allés au mémorial du génocide. Le musée raconte l’histoire du massacre, comment le pays a pu en arriver là, comment les atrocités ont dégénéré en quelques mois et comme souvent, en quoi l’occident a une responsabilité lourde. Pour apprendre et se rappeler qu’il y a une bonne vingtaine d’années, le pays était dans l’horreur totale, mais qu’il a su se relever et se reconstruire pour devenir tel qu’il est actuellement : un pays rassemblé, calme, sûr, de plus en plus développé et qui est plaisant à découvrir.

Par Adrien Guillonnet

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