Le cyclisme équatorien à la loupe. Une future grande nation de cyclisme ? (1ère partie)

Le cyclisme équatorien à la loupe. Une future grande nation de cyclisme ? (1ère partie)

Le cyclisme équatorien à la loupe. Une future grande nation de cyclisme ?

Déjà à son acmé ou encore à découvrir ? Reconnu internationalement grâce à la victoire de Richard Carapaz sur le Giro 2019, le cyclisme équatorien reste finalement très méconnu. Alors que son voisin colombien n’en finit pas d’attirer tous les recruteurs européens, paradoxalement, tout est encore à faire dans ce pays de la cordillère des Andes alors qu’il a déjà atteint le sommet en mai 2019. L’Équateur n’a sans doute pas encore épuisé toutes ses ressources, ni même commencé à les épuiser.

L’histoire de Carapaz est connue parmi les fans de cyclisme. Son nom dit désormais quelque chose au simple suiveur du Tour de France. Toutefois, hors Équateur, trop rares sont les papiers sur ce « microcosme équatorien ».

Cet article, petit dossier ou compte-rendu, appelez-le comme vous voulez, ne pourra pas rendre compte entièrement du cyclisme équatorien. Quelques centaines de pages seraient nécessaires pour le faire. Mais si vous ressortez de la lecture avec l’envie de partir à la découverte d’un cyclisme encore exotique (mais pour combien de temps ?), l’objectif sera amplement réalisé.

Années 1970 – 1990 : les pionniers

Lorsque Richard Carapaz pose une deuxième fois le pied sur le sol européen, chez Lizarte en 2016, s’attend-il à devenir le grand artisan du cyclisme équatorien sur la scène européenne ?

Avant lui, l’Équateur ne comptait que quelques coureurs de renom. Loin de faire parler d’eux en Europe. Ce pays d’actuellement 17 millions d’habitants possède un léger passé cycliste. Hipólito Pozo, premier vainqueur du Tour de l’Équateur en 1966. Son frère, Jaime, qui poursuivra l’œuvre d’Hipólito en 1967 puis lors des éditions 1971 et 1972. Pedro Rodríguez ‘’El Águila de Tulcán’’, détenteur du record du nombre de victoires sur la même épreuve, cinq fois entre 1988 et 1995. Juan Carlos Rosero, vainqueur de son tour national en 1986, 1989 et 1992. Ces quatre coureurs ne sont autres que les pionniers du cyclisme équatorien. Pionniers à l’intérieur de leur territoire dans un premier temps. Puis, au nord, chez le voisin colombien où Rosero et Rodríguez rivalisent avec les meilleurs cyclistes locaux sur le Tour de Colombie ou le Clásico RCN. Enfin, pionniers en Europe pour avoir été les premiers à fouler le sol du Vieux continent. Pour Rosero, la découverte d’un cyclisme tout nouveau se fait le temps de quelques mois, au cours de la saison 1987, chez Pepsi Cola – Alba Cucine puis à l’occasion des Jeux olympiques de Barcelone en 1992. Quelques années plus tard, l’Espagne accueille Rodríguez pour une découverte des routes du Tour de Navarre et du Circuit Montañes.

Ces premiers bâtisseurs ne marquent pas les esprits en Europe mais leurs brèves expériences à l’étranger suffiront pour les propulser au sommet du panthéon de ce cyclisme local encore à bâtir. Vainqueurs d’étapes sur le Tour de Colombie ou le Clásico RCN, du classement général sur le Tour de Mendoza, proche de la première place sur le Tour de Colombie et celui de Táchira, ces coureurs ont détenu l’intégralité du palmarès national pendant de nombreuses années. À jamais les premiers, il était tout naturel de les voir former les générations suivantes. Avant son décès en 2013, Rosero était encore le mentor de Carapaz. Rodríguez entraîne désormais les jeunes tout comme Paulo Caicedo qui, avec Rodríguez, avait pris part aux Jeux olympiques d’Atlanta en 1997.

La transition en attendant le prodige ?

Une lueur d’espoir réapparaît à la fin des années 2000 et début des années 2010. Une nouvelle génération peut se targuer de s’imposer sur les épreuves étrangères. Colombie, Guatemala, Bolivie, Brésil, Mexique. Byron Guamá, Segundo Navarette et José Ragonessi ont été, pendant longtemps, les têtes d’affiche d’une deuxième version du cyclisme équatorien. Mais un cyclisme qui peinait à passer un cap. Parmi ces trois coureurs, seul le nom de Byron Guamá a pu être aperçu sur les classements des courses européennes. Présent chez Burgos Monumental-Castilla y León puis Burgos 2016-Castilla y León, actuelle Burgos BH, Guamá n’aura couru que deux petites saisons en Europe. Le talent était pourtant là. Vainqueur du Tour de l’Équateur en 2005, à seulement 21 ans, puis trois autres fois par la suite, il accumule toujours les succès en Amérique du Sud et centrale. Coureur très complet, Guamá avait sans doute les qualités requises pour continuer de courir en Europe. Était-il celui qui devait faire la transition en attendant le prodige équatorien ? C’est à se demander si celui né en 1985 n’est pas venu au monde un peu trop tôt.

Mais Guamá n’est pas seulement le coureur passant le flambeau à Richard Carapaz. Lors du dernier Tour de l’Équateur, chaque étape était dédiée à un cycliste équatorien important de notre ère. Byron Guamá a remporté trois étapes. Parmi-elles, une étape lui était dédiée. À ses côtés, on retrouvait Jorge Montenegro, vainqueur de l’édition 2019, Miryam Nuñez, récente vainqueur du Tour de Colombie qui, par la même occasion, est rentrée dans l’histoire du cyclisme équatorien en étant la première équatorienne à s’imposer sur l’épreuve féminine. Trois autres étapes portaient le nom de Richard Carapaz, Jonathan Caicedo et Jhonatan Narváez.

À l’ombre de Carapaz

Alors qu’il pointait le bout de son nez lors du Giro 2018, qu’il a confirmé la saison suivante, le cyclisme équatorien s’est bel et bien installé en Europe au cours de la précédente édition. Définitivement ? Certes, les résultats de son porte-drapeau Richard Carapaz facilitent le processus. Pourtant l’Équateur a montré que son cyclisme ne se résumait pas qu’au coureur d’Ineos. Les victoires de Caicedo et Narváez l’attestent. Tout comme celle d’Alexander Cepeda lors de la dernière étape du Tour de l’Avenir 2019. Il serait aussi difficile de négliger le dernier élément, Jefferson Cepeda, cousin du coureur d’Androni Giocattoli-Sidermec, qui a participé à la dernière Vuelta avec la Caja Rural – Seguros RGA.

Au total, seulement cinq coureurs sont présents dans les deux premières divisions de l’élite. Mais en une saison, les cyclistes équatoriens auront participé aux trois grands tours. Une explosion rapide et une première dans l’histoire de ce pays encore émergent.

Les équipes équatoriennes : entre difficultés et projets d’avenir

Le plus jeune des Cepeda, Jefferson Alexander, s’est révélé avec la sélection nationale équatorienne. Quelques années auparavant, en 2013, Richard Carapaz faisait ses premiers résultats en Europe avec RPM Ecuador. Entre ces deux périodes, le peloton professionnel n’a pourtant vu émerger aucune équipe équatorienne. Aujourd’hui, il est toujours aussi peu probable de voir une structure du pays parcourir les plus grandes courses européennes à l’instar des équipes colombiennes Colombia es Pasión, ses prolongements 4-72 Colombia et Manzana Postobón, ou encore Colombia.

En Europe, la première à avoir tenté l’expérience est RPM Ecuador (RPM pour Revoluciones Por Minuto). Issue d’un club amateur, et devenue par la suite Team Ecuador puis, aujourd’hui, Movistar Team Ecuador – Eagle Bikes, elle a pu intégrer dans son effectif, par le passé, aussi bien Carapaz, Caicedo que les cousins Cepeda. Fin 2015, deux ans seulement après sa création, l’équipe décide de ne plus venir courir en Europe. Avec à sa tête, jusqu’en 2019, Santiago Rosero, actuel sélectionneur de l’Équateur – et une des figures de proue du cyclisme local – l’équipe a cessé d’être continentale. Jusqu’à sa descente en catégorie ‘’élite’’/amateur, elle comptait dans ses rangs Byron Guamá, Santiago Montenegro, Martín López, Steven Haro ou encore Benjamín Quinteros. Faisant aujourd’hui toujours partie des deux meilleures équipes équatoriennes, c’était à partir de là que se constituait la sélection équatorienne sur les courses espoirs.

Remplaçant Movistar Team Ecuador au niveau continental, le Team Best PC Toscana, dirigée par Juan Andrade et Santiago Rosero, en tant que directeur technique, est désormais la mieux placée pour sortir des frontières sud-américaines. Avec une saison réduite à cause de la pandémie, Best PC n’a pas pu courir sur toutes les courses de l’America Tour. Pourtant ses quelques résultats suffisent à en faire une des meilleures équipes d’Amérique du Sud lors de l’année 2020. En faisant venir Byron Guamá et Martín López, l’équipe équatorienne a pu s’imposer à plusieurs reprises sur le Tour du Guatemala et le Tour de l’Équateur. Un projet qui se veut aussi formateur. En effet, la structure, créée seulement en 2019, possède aussi une équipe junior ainsi que cadet. De quoi former des jeunes et les faire progresser doucement mais surement. Une structure « pas-à-pas » qui se fait bien rare en Amérique du Sud. Sa dernière recrue, Erick Caiza, âgé seulement de 18 ans, a été signé pour quatre saisons. Illustration du but de ce projet.

Si on parcourt le pays, difficile de trouver des structures mieux organisées. Pour compléter ce panorama des équipes équatoriennes, nous pouvons aussi citer Eagle Bikes, sponsor présent aussi dans la Movistar Team Ecuador, ainsi que le Team Saitel. Tous les meilleurs coureurs locaux se retrouvent à courir pour ces équipes.

Mais, comme de nombreux pays, elles sont aussi victimes de problèmes économiques. Pourtant soutenue financièrement par la Préfecture de Carchi, Coraje Carchense, qui a pour historique d’avoir vu courir sous ses couleurs Carapaz, Caicedo et Alexander Cepeda, a dû s’arrêter brusquement en début d’année. L’ancien entraîneur de l’équipe, Paulo Caicedo, avait permis à plusieurs athlètes d’aller courir en Colombie. Le triplé au sommet du Cristo Rendentor (arrivée située à 3800m d’altitude) sur le Tour de Mendoza 2019 et les différents succès sur les quelques courses équatoriennes n’auront pas suffit à sauver l’équipe formatrice de Carapaz.

Partie II : https://www.velo-club.net/post/le-cyclisme-equatorien-a-la-loupe-une-future-grande-nation-de-cyclisme-2eme-partie

Partie III : https://www.velo-club.net/post/le-cyclisme-equatorien-a-la-loupe-une-future-grande-nation-de-cyclisme-3eme-partie

Par Thomas Fiolet.

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