Interview : Adrien Guillonnet revient sur son Tour de Guadeloupe

Interview : Adrien Guillonnet revient sur son Tour de Guadeloupe

Quelques jours après sa victoire obtenue lors du Tour de Guadeloupe, Adrien Guillonnet (Interpro Cycling Academy) a pris le temps de répondre aux questions de Velo-Club. Pour nous, il revient donc sur sa course mais aussi sur sa belle première partie de saison.

Un mot sur l’avant course tout d’abord, quel était l’objectif avant d’aborder celle-ci ?

On avait plutôt misé sur une victoire d’étape avec l’équipe, car finalement ça n’arrive pas si souvent que ça dans l’année, surtout en Conti, et c’est également ce qui paraissait être le plus simple à obtenir, car la course est très décousue et on peut facilement retrouver de grosses échappées qui prennent 5-10 minutes et bouleversent le classement général.

Tu n’avais pas au vu du plateau le général dans un coin de ta tête avant le départ ?

Je ne connaissais pas forcément le plateau, et en plus la liste des engagés n’était pas à jour car par exemple je n’étais pas dessus. Je ne savais donc pas vraiment à quoi m’attendre, d’autant plus que je ne connaissais pas non plus forcément le profil des étapes faute de temps avant la course. J’ai donc un peu tout découvert au fil des jours une fois sur place. En plus, je n’avais quasiment pas couru depuis les France, même si j’avais participé à l’étape du Tour et à une épreuve Elites. J’avais également l’inconnue par rapport à la durée de la course, car je n’avais avant jamais fait une course de 10 jours auparavant.

Tu as obtenu la-bas ta première victoire UCI, quel sentiment as-tu ressenti en franchissant la ligne ?

Au moment de passer la ligne j’étais mort (rires). Ça a vraiment été une étape bizarre en plus car au début je n’étais pas bien et j’avais décidé de laisser faire les autres en me mettant en retrait. Sauf qu’on était sur de petites routes sinueuses et je me suis fait piéger dans la première heure de course. J’ai même cru à un moment que j’avais perdu le général. Finalement c’est rentré, mais ensuite dans le Col des Mamelles je ne me sentais guère mieux. J’ai eu par contre la bonne surprise dans la descente de reprendre du temps sur Pronskiy notamment et ensuite je me suis retrouvé à partir seul, enfin avec un coureur mais sans personne de placé au général.

Est-ce que ça t’a surpris qu’on te laisse sortir comme ça ?

Un peu ouais. En fait j’ai pris un relais et j’ai vu que j’avais 5 mètres d’avance sur le groupe, j’ai donc continué l’effort sans accélérer pour autant et comme personne ne revenait dans ma roue, je me suis dit « c’est parti et on va bien voir ce que ça donne ». J’ai donc essayé de gérer mon effort autant sur le plat que dans la montée finale pour ne pas faire une Ventoux bis.

Tu l’avais en tête ça l’épisode du Ventoux pendant la montée ?

Pas tant que ça, mais comme ça faisait un moment que j’étais en plein effort, et avec la chaleur je n’étais pas à l’abri d’une défaillance. Surtout qu’au Ventoux, je ne l’ai pas du tout senti venir, et ça ne m’étais jamais trop arrivé. Je me suis donc simplement concentré sur mon effort, sans m’occuper du gars derrière moi, et en tentant de ne pas me mettre dans le rouge. En franchissant la ligne, j’étais content de gagner et de prendre du temps aux autres, et après deux secondes places, l’objectif initial était atteint avec la victoire. J’étais content aussi de la manière, parce que j’aime bien courir comme ça, et cette année ce n’étais pas trop arrivé encore, car sur des épreuves UCI c’est un peu compliqué de le faire, contrairement aux courses Elites.

Quand tu as franchi la ligne, tu n’as pas levé les bras, est-ce que tu étais mort comme tu le disais plus tôt ou juste concentré sur l’idée de reprendre le plus de temps possible ?

Les deux, je ne voulais pas relâcher l’effort avant la ligne pour ne pas perdre de temps, et après de toute façon j’étais mort (rires). C’est vrai que c’est dommage pour les photos du maillot jaune qui lève les bras, mais bon, ce n’était pas forcément l’objectif initial.

Est-ce que tu sens que physiquement tu as passé un cap cette année entre la Guadeloupe et tes perfs en France au mois de juin ?

Je sais pas, ce qui est sûr c’est que jusqu’à cette année je n’avais pas l’habitude de courir plus de 3-4 jours, donc je ne peux pas vraiment dire si j’ai franchi un cap à ce niveau là car j’en étais probablement capable déjà avant. Après peut-être que ça aide d’avoir couru plusieurs épreuves d’une semaine avant la Guadeloupe, surtout pour aborder la fin de course de manière un peu plus sereine, avec plus de repères. Après en terme de puissance quand je vois mes données je n’ai pas l’impression d’avoir progressé par rapport à l’an dernier, mais c’est difficile de comparer car la saison n’est pas du tout construite de la même manière. L’an passé je courrais tous les week-end mais toujours en France. En 2019, c’est plus aéré entre certaines courses, mais on court sur des durées plus longues, et ce n’est donc pas le même mode de préparation.

Ce genre d’effort aussi que j’ai pu faire quand j’ai gagné, ce sont également des efforts que je n’avais pas trop effectué cette année. Ce type d’efforts où on est en dessous du seuil mais toujours en prise pendant 3 ou 4 heures, que je faisais régulièrement en Elites mais pas cette année.

Donc est-ce que j’ai progressé probablement, mais je ne le vois pas forcément en terme de données brutes.

Un mot sur ta manière de courir maintenant, est-ce que c’est fini Adrien Guillonnet en queue de peloton après la Guadeloupe ?

Je sais pas (rires). Après la Guadeloupe c’était particulier car le peloton s’amenuisait au fil des jours. Je me suis néanmoins aussi retrouvé parfois en queue de peloton, ne serait-ce que pour aller chercher des infos ou récupérer des bidons.

Blague à part est-ce que tu sens que ça t’a aidé d’avoir ce maillot de leader, et d’avoir du faire des efforts pour être bien placé et ne pas être piégé ?

Forcément j’ai fait des efforts la-dessus, même si il faut dire que quand on porte le maillot de leader, c’est plus facile de se faire une place devant. Ça roulait aussi moins vite que sur certaines courses, donc c’est plus facile de remonter quand tu es un peu derrière. C’est pas pareil que sur des épreuves où ça roule à 50 à l’heure pendant la première ou la dernière heure. Mais ça serait bien que je m’améliore dans ce domaine là c’est clair, car la Guadeloupe reste une épreuve assez particulière avec également de larges routes où il est facile de remonter. Je ne suis donc pas sûr que ça soit totalement réglé, mais ça aide à reprendre un peu de bons automatismes.

Tout à l’heure tu évoquais le début de l’étape reine où tu as eu peur de perdre la course, est-ce qu’il y a eu d’autres moments comme ça pendant l’épreuve où tu t’es dit que tout pouvait basculer du mauvais côté ?

Lors de l’étape où l’échappée avait trois minutes d’avance avec 3 gars placés dans le top 10 dedans. Là je me suis dit que c’était mal embarqué, car on avait fait l’erreur de laisser partir. L’écart est grimpé à 5 minutes et il n’y avait que nous qui roulions, heureusement les kazakhs et les allemands sont venus nous aider en roulant fort, ce qui nous a permis de revenir. L’étape de Saint-Anne également où j’ai pas mal hésité à aller rouler dans les 5 derniers kilomètres ou pas pour pourquoi pas laisser le maillot à Inteja et ne plus avoir à assumer la course comme nous avions des coureurs en moins. Mais finalement je me suis mis à la planche et ça a permis de conserver le maillot. Sinon en dehors de ça, ça s’est quand même relativement bien passé.

Pour finir sur le sujet, un mot sur l’épreuve qui a souvent été décriée par le passé pour certains aspects.

Je n’ai pas forcément trouvé de choses bizarres, même si d’après les commentateurs, je sous-traitais le travail en tête de peloton à l’équipe Vino Motors, ce qui n’était bien évidemment pas le cas, c’est juste qu’ils défendaient leur seconde place comme on le voit sur de nombreuses courses. Mais non sinon pas trop de performances curieuses, même si on a parfois quelques interrogations mais comme c’est le cas sur plein d’autres courses.

Par contre là où ça a été fidèle à la réputation c’est cette ferveur du public, il y avait encore plus de monde qu’au Rwanda et je comparerais presque ça au Tour de France, même si en Guadeloupe les gens ne viennent pas que pour la caravane mais surtout pour voir les coureurs. C’est vraiment l’évènement de l’année, en fin de Tour dès que je croisais quelqu’un dans la rue, à l’hôtel ou l’aéroport, on me disait : « C’est vous le maillot jaune ».

Est-ce que ça te donne envie d’y retourner l’an prochain ?

Pourquoi pas, beaucoup de monde m’a demandé si je revenais l’an prochain notamment pour me mesurer au roi Boris (rires).

Il t’a lancé un défi je crois…

Ouais je sais, moi je lui lance le défi de venir courir en Métropole (rires). Plus sérieusement je ne sais pas, c’est vrai que c’était une très belle expérience et que ça peut être sympa d’y retourner.

Par Charles Marsault

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