Tour de France 1971 : la tragédie d’Ocaña, le triomphe de Merckx

Tour de France 1971 : la tragédie d’Ocaña, le triomphe de Merckx

Le 58e Tour de France s’est déroulé du 26 juin au 18 juillet 1971. Long de 3 608 kilomètres répartis en 20 étapes, il restera dans l’histoire comme l’un des plus spectaculaires et dramatiques de l’ère moderne. L’affrontement entre Eddy Merckx, tenant du titre et grand favori, et Luis Ocaña, l’Espagnol audacieux, a offert un duel d’une intensité rare, brisé par une chute fatale aux ambitions du second.

Un parcours exigeant

Le tracé de 1971, conçu pour favoriser le spectacle, multipliait les étapes de montagne. Les Pyrénées devaient servir de premier juge de paix avant des Alpes décisives. Au départ de Mulhouse, 130 coureurs s’élançaient, répartis en 13 équipes. Parmi eux, Merckx portait le statut d’homme imbattable, déjà double vainqueur du Tour (1969 et 1970), vainqueur du Giro et champion du monde. Ses adversaires, conscients de sa supériorité, savaient qu’il faudrait le surprendre et attaquer sans relâche pour espérer l’inquiéter.

Ocaña se dévoile

Après une première semaine animée mais sans bouleversement majeur, la course bascule dans les Pyrénées. Luis Ocaña, grimpeur courageux et attaquant infatigable, choisit de défier Merckx sur son propre terrain. Dans l’étape du 8 juillet entre Grenoble et Orcières-Merlette, il réalise une démonstration restée dans les annales. Parti à l’offensive dans les cols, il creuse un écart colossal et franchit la ligne avec plus de huit minutes d’avance sur le Belge. Jamais, depuis ses débuts sur le Tour, Merckx n’avait subi une telle défaite. Le peloton arrive en morceaux, et la presse s’emballe : Ocaña est présenté comme le nouveau maître du Tour.

Le lendemain, une étape courte mais nerveuse relie Orcières-Merlette à Marseille. Dès le départ, Merckx lance une offensive spectaculaire, emmenant tout le peloton à un rythme effréné. Résultat : une moyenne de plus de 45 km/h, l’une des plus rapides de l’époque. L’étape est remportée par le Belge mais Ocaña résiste, conservant son maillot jaune avec autorité.

Tour de France 1971 : la tragédie d’Ocaña, le triomphe de Merckx
Eddy Merckx, dans le Col de Porte

La descente du col de Menté : tournant tragique

Le 12 juillet, lors de la 14e étape reliant Revel à Luchon, le Tour prend une tournure dramatique. Sous une pluie battante et des orages violents, les coureurs abordent la descente du col de Menté, rendue glissante par les conditions météorologiques. Alors que Merckx attaque pour tenter de reprendre du temps, Ocaña chute lourdement. Aussitôt relevé, il est percuté par Joop Zoetemelk, incapable de l’éviter sur la chaussée détrempée. L’Espagnol reste au sol, blessé et incapable de repartir.

Son abandon, en maillot jaune, marque la fin brutale de son rêve. Dans le peloton, la stupeur est immense. Merckx, profondément marqué par l’accident de son rival, refuse d’endosser le maillot jaune au soir de l’étape, geste rare dans l’histoire du Tour. Mais la course doit continuer, et dès l’étape suivante, il reprend son rôle de leader incontesté.

Merckx reprend le contrôle

Privé de son principal adversaire, Eddy Merckx domine les derniers jours de la course. Dans les Alpes, il contrôle les offensives de Felice Gimondi et Joop Zoetemelk, qui montent finalement sur le podium. Merckx renforce son avance lors des contre-la-montre, où sa puissance fait la différence. À Paris, il s’impose pour la troisième fois consécutive avec une marge de plus de neuf minutes sur Zoetemelk et onze sur Gimondi.

Le Belge décroche également le classement par points (maillot vert) et s’affirme plus que jamais comme le « Cannibale » du cyclisme, capable de tout gagner. Lucien Van Impe, jeune grimpeur belge promis à un bel avenir, s’adjuge le classement de la montagne. L’équipe Bic d’Ocaña, malgré la désillusion, remporte le classement collectif.

Une édition restée dans la mémoire collective

Le Tour de France 1971 n’est pas seulement une victoire supplémentaire dans le palmarès exceptionnel d’Eddy Merckx. Il symbolise aussi le destin brisé de Luis Ocaña, victime de la malchance au moment où il tenait enfin son rival à distance. Sa démonstration d’Orcières-Merlette, souvent considérée comme l’une des plus impressionnantes offensives de l’histoire de la Grande Boucle, avait ouvert une brèche dans l’armure du champion belge.

Pour de nombreux observateurs, ce Tour incarne le contraste entre la domination implacable de Merckx et l’héroïsme mal récompensé d’Ocaña. L’Espagnol prendra sa revanche deux ans plus tard, en 1973, en remportant le Tour de France en l’absence du Belge. Mais son nom reste à jamais associé à cette tragédie pyrénéenne.

Bilan et héritage

En chiffres, le Tour 1971 fut disputé à une vitesse moyenne de 37,74 km/h, un record pour l’époque. Merckx porta le maillot jaune jusqu’à Paris mais sans l’avoir conquis directement sur la route face à Ocaña, ce qui donna à cette victoire une saveur particulière.

Cinquante ans plus tard, cette édition est encore citée comme l’une des plus marquantes. Elle illustre l’essence même du Tour : une épreuve où se mêlent force physique, stratégie, courage, mais aussi imprévisibilité et tragédie. La chute du col de Menté, filmée et largement relayée, est devenue une image emblématique du cyclisme, rappelant que le Tour se gagne parfois autant par la résistance aux éléments que par les jambes.

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Conclusion

Le Tour de France 1971 restera comme un duel inachevé, une course où l’on pensa voir la fin du règne de Merckx avant que le destin n’en décide autrement. Le « Cannibale » y asseoit son hégémonie, mais l’ombre d’Ocaña plane encore sur cette victoire. Pour les passionnés de cyclisme, cette édition demeure l’une des plus palpitantes de l’histoire, un récit de gloire, de courage et de malchance qui a façonné la légende de la Grande Boucle.

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