Interview : Julien Loubet "Être acteur de la Route du Sud"

Interview : Julien Loubet "Être acteur de la Route du Sud"

Bonjour Julien, à l'approche de TON objectif de l'année, tu sembles en grande forme, mais avant de parler du présent, est-ce que tu peux nous dire comment ça s'est passé ton arrivée à l'équipe de l'Armée de Terre?

Bonjour, et bien, ça s'est passé naturellement. De plus avec l'expérience des années, ça c'est bien passé. Il y avait des jeunes que je ne connaissais pas, mais c'est tout. On a fait cet hiver deux stages en Espagne qui ont permis de bien se connaître. Je prends énormément de plaisir dans cette équipe. On est vraiment dans une équipe... "Simple" c'est vraiment le mot, on est aux fondamentaux, à la base du vélo. Ce n'est vraiment que du plaisir, on est une équipe très soudée.

Est ce que cette équipe ressemble à l'équipe Team Marseille 13 KTM où tu étais en 2015 ?

Hum (il hésite)... Grosso modo oui... Mais mieux structuré. Déjà on a un effectif plus important, à Marseille on était 11, là on est beaucoup plus, mais pas seulement au niveau des coureurs. Il y a plus de staff, d'assistants, de masseurs. En fait on a une structure que je comparerais à une continentale professionnelle même si on n'a pas le statut.

C'est une équipe où tu connaissais des coureurs avant d'arriver.

Ouais, ben il y avait Stéphane Poulhiès, mais également Steven Tronet, puisqu'on était tous les deux chez Fortunéo l'année passée et finalement on s'est suivis. J'avais couru à l'époque avec Jimmy Casper, enfin pas dans la même équipe, sinon j'avais couru avec Rostollan, Mainard.

Avec Poulhiès, Thomas, Campistrous et toi, voir même Tronet, c'est vraiment l'équipe du Sud Ouest, l'équipe Occitane du peloton.

Oui, Romain Campistrous, je ne l'attendais pas. C'est un sudiste c'est cool. C'est vraiment bien qu'on soit plusieurs, qu'il y ait cet accent. Je me suis rendu compte que nous, les sudistes, dans les équipes nordistes, on n'avait pas forcément trop la côte... Comment dire, pas qu'on était jugés comme des branleurs, mais peut être "trop cool ?". Ça ne change rien au résultat, mais on a une approche plus cool, et ce n'est pas forcément bien compris.

Tu sortais d'une année très difficile l'an dernier, et lorsqu'on s'était parlé tu avais dit que tu n'avais rien perdu de la motivation, de ta passion, tu as eu un contre coup cet hiver, ou pas du tout?

Ben... Bon on va pas trop y revenir, mais l'année dernière fut très compliquée, blessures, maladie... Et surtout cette non sélection au Tour de France, c'est mon rêve d'y participer, j'ai été extrêmement déçu... A ce moment là, j'ai vraiment eu besoin de faire un break. Après j'ai été en contact avec quelques équipes, dont l'Armée de Terre. C'est l'équipe que j'ai choisie car j'avais comme un rôle de leader ; enfin ce n'est pas ce que je recherche, mais j'avais une certaine liberté, et ça ça m'intéressait. Je voyais aux entraînements que j'avais les cannes et puis j'ai vu que dans l'équipe il y avait des gars comme Stéphane (Poulhiès) donc je suis reparti, je n'ai pas eu de contre coup.

Et malheureusement, tu tombes bien malade au début de saison...

Oui sur l'étoile de Bessèges, j'ai  vraiment choppé une énorme grippe. Là je me suis dit "C'est pas vrai, ça va faire comme l'an dernier..." j'étais vraiment dégoûté. Et puis j'ai fait le point : février => C'est mort ; mars => Reprise et entraînement. Il y avait des objectifs plus lointains. L'équipe m'a laissé le temps de revenir, à partir de ce moment là, je savais que je pouvais marcher. Et là je reviens, Coupe de France, Circuit des Ardennes, j'ai vu que je n'avais pas perdu le niveau, qu'il me fallait juste la réussite. Enfin, la réussite faut la provoquer, mais il y a quand même une part de chance.

Comme en 2015, tu t'imposes alors dans une Coupe de France, en remportant cette fois en costaud le Tour du Finistère.

D'autant plus que je l'avais annoncé à l'équipe que je pouvais gagner. Les gars n'ont pas hésité, ils ont roulé totalement pour moi, sans arrière pensée. C'était formidable d'avoir l'équipe comme ça. L'équipe n'avait pas encore eu de gagne en classe .1, en classe.2  ils savaient gagner, mais il manquait ça et j'ai gagné. Derrière, ça a fait sauter le blocage, les coureurs se sont dit qu'on pouvait gagner. Damien Gaudin qui était présent depuis le début de l'année, qui avait gagné, sur le Tour de Normandie a annoncé lui aussi qu'il allait gagner le Tro Bro Léon et il le gagne. Et puis ça part ensuite de tout le monde, du staff, des mécanos, des assistants aux directeurs sportifs, tout le monde y croit. On part pour gagner, ça change tout, et puis c'est un cercle vertueux, je sais même pas si il y a eu un week-end depuis où on n'a pas fait au moins un podium. Les gars bossent pour la gagne, c'est une autre mentalité.

Sur le Tro Bro Léon d'ailleurs, tu termines 12ème, là où on ne t'attendait pas.

Ben en fait au début, je n'étais pas prévu au Tro Bro Léon, j'ai remplacé Romain Campistrous au dernier moment et Damien Gaudin voulait la meilleure équipe possible, j'étais en grande forme. C'était ma deuxième participation à cette course, et je me suis régalé. De toute façon, on avait Damien qui y allait pour la gagne, et quand on joue la gagne, on veut faire la course et on s'y régale.

Crédit photo : Romain Campistrous

Avec tout ça, tu te retrouves placé au classement général de la Coupe de France.

Je me retrouve en effet 5ème au classement général sans avoir disputé toutes les manches et certaines qui arrivent me sont favorables, je pense notamment au Tour du Doubs où j'avais fait deuxième il y a deux ans derrière Sepulveda. Après je sais qu'il faut être plutôt sprinteur pour gagner la Coupe de France, il y a des manches où je ne pourrais pas lutter... Mais on va voir.

Sur les Boucles de l'Aulne, le Tour du Luxembourg, on t'as vu en forme, tu surfes sur celle-ci, ou tu es en forme ascendante?

En fait je m'attendais pas à être aussi bien. Pas mal... Mais pas aussi bien. J'ai bien fini le Tour du Luxembourg, je pense donc arriver en grande forme sur mon objectif, la Route du Sud. Tout le monde le sait, c'est MA course, c'est celle sur laquelle je veux briller. C'est ma course de cœur. C'est la période où je veux être au maximum de mon potentiel, au top de ma forme, c'est aussi la période où il y a les championnats derrière, dans la tête aussi j'aime ce moment de l'année. En plus, derrière, un heureux événement arrive pour fin juillet avec la naissance d'un petit garçon, on tirera un premier bilan.

Sur le Tour du Luxembourg, tu as été offensif en plus de terminer dans le top 10 du général.

Sur le Tour du Luxembourg, il y avait des côtes assez courtes, mais en prévision de la Route du Sud, j'ai travaillé les cols, car mon objectif, c'était pas le Tour du Luxembourg, c'est la Route du Sud. Je n'avais donc plus l'explosivité que j'avais au moment du Tour du Finistère. Après Van Avermaet était très fort, je crois qu'il n'est pas sorti du top 3 des étapes (top 5 en fait) en gagnant des étapes et le général, et la BMC était une équipe très difficile à déstabiliser. Il n'y avait qu'un coup comme celui qu'a fait Anthony Perez à faire.

Vous étiez deux de l'Armée de Terre dans le top 10 (sans parler de la victoire sur le prologue de Damien Gaudin), l'autre c'est Benjamin Thomas, tu peux nous parler rapidement de lui ?

Benjamin Thomas, on est rentrés ensemble du Tour du Luxembourg, on s'est bien marrés, c'est le plus jeune de l'équipe et moi je suis le plus vieux, c'était sympa.  On a dix ans d'écart. Franchement j'ai été assez surpris. Il vient de la piste et il arrive maintenant à reproduire le gros niveau qu'il a sur piste sur la route : c'est énorme ! La piste, c'est une super école pour la route, mais ce n'est pas forcément facile de reproduire les performances. On ne connaît pas ses limites, il est jeune, il adore les efforts type prologue; on a vu qu'il pouvait marcher sur les courses par étapes. C'est LE coureur à suivre en devenir pour le Sud Ouest.

On en vient à la Route du Sud, tu as pu repérer un peu les étapes ?

J'ai toujours plaisir à reconnaître les étapes. J'ai pu découvrir le nouveau col, après le Tourmalet, Gaborisse, qui est vraiment pas mal. La Route du Sud, propose toujours des parcours inédits, ils innovent beaucoup. Moi je me régale toujours à découvrir ces nouvelles routes. La participation est en constante augmentation, quand on regarde il y a quelques années, où je jouais le général, et aujourd'hui, ça n'a plus rien à voir. Avec la télévision, l'épreuve a aussi gagné en importance. Notre équipe nous met dans de super conditions, là je suis ici un jour avant pour reconnaître la première étape.

Cette première étape est loin d'être facile.

C'est le premier jour de course. Rien n'est écrit. Ça pourrait être pour les sprinteurs... Enfin j'ai quand même un gros doute, je pense que c'est trop dur, mais ça correspond aux baroudeurs, aux échappés, mais aussi aux leaders si une équipe décide de rouler à bloc. Ça sera très intéressant, au delà il y a l'équipe du samedi, mais généralement elle est roulée à un rythme très fort, en mode rouleau compresseur avec ces dernières années, Quintana ou encore Contador.

Quels sont tes objectifs sur cette Route du Sud?

Je vais prendre la course différemment des autres années, je vais être plus baroudeur. Je veux être acteur plutôt qu'attendre et suivre. J'ai envie de plus provoquer. A voir, il y a deux étapes qui me sont favorables, la première et la troisième, ça sera aussi les deux étapes où le général se jouera. Je veux me faire plaisir.

Et puis en jouant les étapes, ça peut amener à jouer le général...

Oui c'est possible (sourire).

Après la Route du Sud, il y a aussi le championnat de France, même si le parcours te correspond moins bien que l'an passé.

Oui, mais j'avoue que je n'ai pas encore vraiment regardé le parcours. On verra le week-end prochain. Là je suis totalement concentré sur la Route du Sud. Après, il faudra voir comment provoquer une course de mouvement pour essayer de gagner, même si il s'agit d'un parcours plus favorable aux sprinteurs.

Et la suite du programme après ça ?

Je ne sais pas du tout. On a un superbe programme de course avec l'équipe, comme le Trofeu Agostinho ou encore la Prueba Villafrancha mais aussi le Tour du Portugal. Ce sont des courses qui me conviennent. Mais il y a d'abord la naissance, et je verrai avec l'équipe comment on fait le programme par rapport à ça.

On parlait des innovations de la Route du Sud, mais j'ai vu sur strava que toi aussi, tu avais découvert des cols pas très connus qui semblaient vraiment très pentus (ici) dont un de 9 kilomètres à plus de 9% de moyenne.

Ce sont des cols qui pour certains ont déjà été empruntés par le Tour de France comme celui d'Iraty, mais ce sont des cols super durs, j'en ai rarement fait des aussi durs. Ils ont un gros dénivelé, ils sont super beaux. Ce sont des cols dans le Pays Basque, mais rarement empruntés par le Tour du Pays Basque qui préfère des cols bien plus courts. Mais c'est vrai qu'ils mériteraient d'être vus sur certaines épreuves.

Tu t'es installé dans le Pays Basque pour la vie qu'on y trouve la bas ou pour les entraînements ?

C'est une région magnifique, avec des montagnes, de belles villes. J'ai déménagé pour profiter du cadre. En plus, c'est vraiment un coin où on retrouve un esprit du Sud Ouest "concentré". En plus l'océan est à côté et depuis deux ans, je fais du surf, c'est une autre passion. En plus j'ai quelques potes qui vivent dans le coin.

 

Merci à Julien pour l'interview et la rédaction de velo-club.net lui adresse - ainsi qu'à la maman - nos félicitations pour la future naissance à venir.

 

Propos recueillis par Benjamin Arnaud

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